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17 Aug

Le Moulin de la Résistance du Pont de Lasveyras en Corrèze, le massacre de la jeunesse française

Publié par Sébastien Colpin  - Catégories :  #correze, #Pont de Lasveyras, #Monument Historique, #Massacre, #Résistance, #Maquis, #Limousin, #Moulin du Pont de Lasveyras, #Payzac, #Beyssenac, #Guerre

À la frontière entre le Limousin et le Périgord, une route en terre serpente entre le flanc d'une colline verdoyante et les rives de l'Auvézère, pour déboucher sur cette ancienne papeterie isolée, qui est au petit matin du 16 février 1944 le théâtre d'un massacre : 34 jeunes résistants et réfractaires au travail obligatoire y perdent la vie, douze sont déportés et seul 7 reviendront de la déportation.

C’est le plus grand massacre de réfractaires du STO. Le 16 février 1944, au petit matin, un détachement allemand encercle le moulin du pont Lasveyras en Dordogne où se trouvent quarante-neuf hommes âgés de 19 à 25 ans.

"Dans une France où a été instauré le Service du travail obligatoire (STO)  un an auparavant, les jeunes prennent massivement le maquis. Notamment dans le nord de la Dordogne. «Beaucoup se trouvaient dans des fermes autour de Payzac, mais ils étaient devenus trop nombreux. Bien que les responsables de l’Armée secrète savaient que le moulin du pont de Lasveyras pouvaient devenir un piège, c’est là qu’ils décidèrent d’installer une cinquantaine de réfractaires âgés de 18 à 25 ans, raconte Nikolina Grimalt. Ce n’étaient pas des maquisards puisqu’ils ne possédaient que quatre fusils datant de la Première Guerre Mondiale, guerre de 14-18, une Sten et quelques vieux revolvers.»
Le 16 février 1944, un détachement allemand avec en son sein  des Français portant l’uniforme de l’occupant encerclent les lieux. «Les jeunes gens qui étaient là se sont faits massacrer. Trente-quatre réfractaires ont été exécutés sur place. Douze autres ont été déportés. Deux seulement sont parvenus à prendre la fuite en se jetant dans l’eau glacée de l’Auvézère. Et André Cubertafond, natif d’Angoisse, qui avait pourtant reçu une balle dans la nuque a survécu», détaille  Hubert, neveu d’André Farout, tué lui au pont Lasveyras.
Parmi ceux qui connurent la déportation, sept en réchappèrent. Parmi eux, Alexandre Bossavit. Sa sœur Edith se souvient : «Quand il est rentré des camps, il ne pesait que 34 kilos.»

Pierrette Nebout: " Il y avait peu de temps qu'ils avaient pris possession du moulin de Pont Laveyras. La décision avait été prise par Raoul et par Violette. Les jeunes dont André [Cubertafond], Dédou [André Farout] et les autres copains avaient définitivement rejoint le groupe. La veille [du 16 Février], ils étaient passés à la maison, il y avait Normand, André, Dédou et quelques autres. Normand devait partir ailleurs former un autre groupe et les autres après avoir récupéré du ravitaillement partaient rejoindre le moulin. Ils étaient tout heureux d'avoir enfin trouvé un point d'attache. Mon père leur posa des tas de questions pour savoir où se trouvait ce moulin. Je le vois encore se lever de table et se diriger vers le tiroir du buffet où étaient rangées les cartes d'état - major.

Quand il eut bien observé. Je l'entends encore leur dire: " Et c'est là qu'ils vous ont mis? Mais mes pauvres si vous êtes dénoncés et que les boches vous tombent dessus, vous vous ferez tuer avant de pouvoir faire quoi que ce soit."

En effet le moulin n'avait qu'un chemin, il était enclavé dans un fond, d'un côté il y avait la rivière, autour des falaises boisées et des rochers à pics. Ils discutèrent un moment puis ils partirent. En passant la porte, mon père leur dit encore: " Dites à vos chefs qu'ils vous sortent de là le plus vite possible." 

Pierrette Nebout: " Vers sept heures et demie, nous vîmes passer les premiers camions qui se dirigeaient vers Payzac. Je partis tout de même à l'école mais je fus à peine arrivée à Angoisse que nous entendîmes les premiers tirs de mitraillettes, puis quelques coups de feu et plus tard des coups de mortier puis plus rien. Bien qu'il n'y ait pas de téléphone à portée de main, la nouvelle arriva très vite: Les boches avaient attaqués les maquis dans un moulin et les avaient tous tués. Mais attention! Les boches aussi avaient eu du mal, ils avaient entassés leurs morts dans un camion fermé et on pouvait les suivre à la trace, il y avait du sang sur la route. Maigre consolation en attendant de savoir ce qu'il s'était passé. Gaston, le frère d'André, vint à la maison. Il ne put que confirmer l'affreuse nouvelle. Impossible d'en savoir davantage, il y avait des Allemands et la milice partout, ce n'était pas le moment de se montrer, ni de se faire remarquer. Nous passâmes une soirée et une nuit affreuses, aux aguets du moindre bruit, mais ce fut le silence complet, un silence de mort.

Le lendemain matin, Gaston arriva, et il nous dit que les morts avaient été transportés à la mairie de Payzac. Dédou était mort, il allait être ramené chez lui, sans doute avait il une pièce d'identité sur lui, contrairement aux autres. Mon père et Gaston étaient là à se poser la question quand nous vîmes arriver le pére Farout, pieds nus dans ces sabots, à peine habillé, alors qu'il faisait froid et qu'il tombait quelques flocons de neige. Il pleurait, les larmes lui ruisselaient sur le visage. Il frappa aux carreaux de la fenêtre et sans entrer dans la maison, il nous annonça la mort de Dédou puis sans attendre, il repartit sous la neige, toujours en courant [...]

Mon père et Gaston prirent leurs vélos et partirent à Payzac pour essayer de reconnaitre les victimes car nous n'avions aucune nouvelle d'André. Quand ils revinrent, à midi, mon père donna la liste de ceux qu'il avait reconnus. Il y étaient tous les copains, tous ceux qui aux derniers battages étaient chez nous, le soir nous avions dansé ensemble. 

Ce devait être le dernier souvenir que j'aurais d'eux. Pas d'André parmi les victimes."

Michel Maureau: " Comme tout le monde ici, Raoul Nouaille, le père, savait. La nuit n'était pas complètement tombée lorsqu'il partit seul en direction du Moulin en suivant des chemins que le pêcheur qu'il était connaissait parfaitement. Il arriva rive droite. Personne sur l'autre rive qu'il examina avec la dernière des attentions. Quelques explosions le firent sursauter. Elles provenaient du feu allumé par les Allemands avant leur départ. A part elles, aucun bruit n'était discernable. Il finit par distinguer des formes ressemblant à des corps et là ses enfants sont formels sur son témoignage donné à chaud: lorsqu'il arriva sur les lieux, il trouva les corps entassés cinq par cinq. [...] Rien ne bougeait [...] il gagna le Pont Laveyras et toujours à travers bois, par des sentes qu'il connaissait par cœur, il arriva à Germignac chez son oncle Bourbon. Pendant que ce dernier allait avertir le docteur Lacotte et le gendarme Chartrain, Raoul Nouaille redescendit au Pont, reprit la rive droite qu'il remonta jusqu'au Moulin, traversa la rivière sur l'écluse et arriva sur les lieux du massacre. 

[...] Le silence était angoissant, le spectacle horrible, difficilement soutenable. Bourbon arriva avec un carriole, un charettou, l'intermédiaire entre la brouette et la charette tirée par l'homme. Nouaille et Bourbon étaient ensemble pour examiner les corps un par un et trouver celui de Cubertafond qui vivait encore. Ils étaient encore tous les deux, lorsqu'ils chargèrent le blessé inconscient qui geignait encore à chaque manipulation. De là Cubertafond fut charrié jusqu'au Pont Neuf (pont actuel) par des chemins (dous sendarous) où parfois la carriole avait bien du mal à passer. [...] Là les attendaient le docteur Lacotte et Chartrain. Ils transférèrent le blessé dans la voiture du docteur et prirent la direction de Payzac. Ils arrivèrent à lagrange attenante à la maison Nouaille vers vingt heures. Ils allongèrent le blessé qui reçut les premiers soins. [...] Puis la voiture prit la direction de l'hôpital de Clairvivre via Beyssenac et le Poteau de Brussy d'où elle plongea sur l'étang de La Forge. Opéré d'urgence [par le professeur Fontaine] , miraculé, Cubertafond fut de retour vers les trois heures du matin. Et Fernand Devaud a trouvé le nid qui l'accueillit [Il resta caché pendant dix huit jours probablement par la famille Devaud-Grasset] jusqu'à son transfert à Rouffiaguet [Caché chez Henri Tuiller]."

Michel Moreau: " Quelques témoignages ou précisions m'ont été apportés concernant certaines victimes de ce drame: 

Albert Brun: D'après plusieurs témoignages son infirmité lui a valu d'être abattu le premier. La "race pure"  n'admettait pas d' infirmes. André Cadet: Il a débarqué un peu perdu, du car Sauthier qui desservait Payzac. Il ne savait pas trop où il devait se diriger si ce n'est dans le "maquis de payzac" (et comme beaucoup d'autres qui arrivaient savait il ce qu'était un maquis?) étranger dans un monde qui ne semblait déjà plus être le sien. [...] Les uns arrivaient, les autres partaient comme si le destin était en train de faire son choix. Maurice Damis: Le capitaine FTP-FFI du sous secteur B, Belloeil dans son discours lors des obsèques de André Bonnetot - Vincent a déclaré: "Je l'ai [Bonnetot] rencontré pour la première fois à proximité des carrières de Campalais aux environs des Piles avec le pauvre Maurice Damis qui devait trouver la mort à Payzac. Nous étions là trois résistants [...] Notre habitacle, une casemate rudimentaire à maître, enterrée et mal couverte, prenant l'eau aux grandes pluies. [...] C'est de ce PC (Si l'on peut dire) que sont partis les ordres de diverses opérations." Mais Maurice Daumis craignait pour sa sécurité. Il quitta alors les FTP pour L'A.S au moulin! ... Ici la mort a guidée ses pas. René Daubisse: Ses parents étaient métayers dans une ferme appartenant à un nommé Dufour. Adrien Farout dit Dédou: Il fut identifié grâce à ses vêtements. Il apprenait le métier de boulanger et, au matin du 16, il faisait du pain dans une ferme voisine, située tout prés de la route Payzac-Pompadour. Dans le calme glacial, il entendit des bruits de moteur. Il ne se posa pas mille questions. Il comprit tout de suite. [...] Pas de temps à perdre en tergiversation. N'écoutant que son courage, il partit à travers prés et bois tenter d'avertir ses compagnons du Moulin. Il put y parvenir mais ne fit que se jeter dans la nasse. Il fut atteint par une rafale et achevé d'un coup de baïonnette qui lui entra sous le nez. Son sacrifice fut vain mais n'en soyons que plus admiratifs. Quel courage pour un jeune de vingt ans! Jean Loseille: [...] Jean était apprenti-charcutier chez le père de André Cambou dont le magasin se tenait à Périgueux [...] Le frère d'André était dépanneur-radio, métier inestimable à l'époque. En Mars 1943, les deux frères furent appelés pour le STO. Jean Loseille, qui avait déjà connu la clandestinité dés 1942 en se cachant dans un ferme de recueil à Rayzac d'Eymet, leur déconseilla et leur proposa de rejoindre au maquis. Les deux frères hésitaient et après beaucoup d'hésitations, ils se résolurent à rejoindre le STO [...] Jean Loseille retrouva la vie des ombres. Il repartit sur Razac d'Eymet mais les conditions d'hébergements ne lui convenaient guère. Il regagna Périgueux et là comme beaucoup d'autres appris l'existence du "maquis de Payzac" qu'il ne tarda pas à rejoindre par la filière devenue banale: "Le tacot". Il y retrouva les Périgourdins qui l'avaient précédés. Joseph Pompognat: Parmi les critères qui permirent une identification plus facile, une habitude qu'il avait: même par temps trés froid, il marchait constamment pieds nus dans ses sabots. Cette image nous permet de bien saisir - hélas - le dénuement total dans lequel vivait ces jeunes. Paul Schneider: Sa mère, après son identification, eût cette phrase admirable: "Il reposait là avec ses copains, on l'y laisse" Cette famille lorraine ne fut pas épargnée par la guerre. Paul avait un frère incorporé dans la Wehrmacht, un de ceux baptisés les "malgré nous". Il trouva la mort sur le front russe. Robert Soudeix: [...] Il était issu d'une famille de seize enfants. Son corps a été identifié à Beyssenac avec le numéro 16 puis transcrit le 27 Octobre 1944 avec la mention "Mort pour La France". Il était connu sous le diminutif de "Courniole". Il est inhumé dans le caveau de famille au cimetière du Nord à Périgueux.

source historique:   [1944-2014] - 16 Fevrier 1944, le massacre du Pont Laveyras - francstireurspartisans (over-blog.com)

Photos de Sébastien COLPIN

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